Lentus in umbra

A la demande de Mlle Moi, je ressors ici quelques vieux dessins. Ceux-ci, à l’encre de Chine, datent de 2004, l’année où j’ai commencé à prendre des cours. Ils sont réalisés d’après photos, comme la majorité de mes dessins.

Le Ramstein, château fort alsacien.

Java anadyomène.

Escrime à l’Académie du spectacle équestre de Versailles.

Home, sweet home… Je suis rentrée à Lyon pour quatre jours, avant de retourner affronter mon dernier oral d’agreg et les résultats. Je ne sais pas ce que ça va donner, on verra bien.

En revanche, je n’ai jamais été aussi heureuse de retrouver mon chez-moi. Le contexte ne me permet pas vraiment d’apprécier Paris, même si j’ai l’occasion d’y voir des gens que j’aime et des toiles de maîtres (entre parenthèses, Picasso me désespère : il avait une technique fabuleuse et une imagination débordante…). Hier soir, j’ai pu me vautrer sur mon canapé en compagnie d’une pizza surgelée, de glace à la griotte, et d’un épisode d’Ally McBeal. Et j’ai retrouvé mon lit avec délices ! Il n’était donc pas étonnant qu’à une heure de l’après-midi, je sois encore dans le-dit lit, pendue au téléphone avec Mlle Moi…

L’atmosphère lyonnaise provoque néanmoins des réactions étranges, chez moi, en ce moment. Le vide intersidéral de mon frigo me propulsa — difficilement — dans mon supermarché préféré, armée de mon fidèle joël (caddie qu’une courte et infructueuse relation avec ma soeur a doté d’un prénom devenu éponyme). Je n’y fis pas plus d’achats utiles que d’ordinaire, là n’est pas le problème. Que le kiki attendant sa mémère confortablement installé sur une chaise, à côté de l’accueil du magasin, me fasse intérieurement m’esclaffer, rien de plus logique. En revanche, que je sourie aux simagrées d’un môme jouant avec deux dinosaures en plastique à la caisse ?! Non, faut vraiment que les concours se terminent, là.

Dialogue avec ma prof de dessin cet hiver :

— Et le taureau, je ne peux pas le faire en noir, ça ne va pas rendre, si ?

— Tu n’as qu’à le faire vert, puisque c’est la complémentaire du rouge.

— Mais comment veux-tu que je fasse un taureau vert ?!

Mosaïque byzantine d’Haghia Sophia, Istanbul, avril 2007.

Ce n’est pas que je sois vraiment croyante. Plutôt agnostique, dirais-je — au grand dam de ma grand-mère. Mais puisque celle-ci veut absolument me faire mettre une image de Sainte Rita dans mon portefeuille, autant se concilier tous les numina possibles :

Dis Manibus,

Mânes du mosaïste byzantin, soyez-moi propices ! Et je vous sacrifierais d’autres photos sur ce blog.

Sit tibi terra leuis…

J-10 avant que les Athéniens ne s’atteignent (ou s’éteignent, peut-être, à l’image de mon encéphale). Le 25 débutent ces grandes bacchanales que sont les oraux de l’agrégation. Où je me rends, la tête ceinte de bandelettes, bis repetita placent, victime sacrificielle.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, je ne suis pas prête à passer les épreuves de Lettres classiques. Non, non, c’est une erreur, moi j’ai postulée à l’agrégation de séries américaines. Et j’ai bien potassé mon programme, cette année : 3e saisons de Lost, Desperate Housewives et NCIS, intégrale de Six Feet Under, 3 saisons des 4400, 1ère saison de Dexter et Heroes, 2 saisons de Supernatural… J’ai préparé tous les sujets de leçon possibles et imaginables : “Le règne végétal dans Lost“, “Ordre et désordre dans Desperate Housewives“, “L’image des philosophes et de la sagesse antique dans Supernatural“, “Hasard, providence, liberté dans Lost“… J’en passe et des meilleurs.

Pourtant, me voici dans l’aporie. En examinant ma convocation, je me suis aperçue de mon erreur. Si au moins on m’avait prévenue que Rome était au programme. Vous savez, la série produite par Jules César. — Comment ça, la Guerre Civile ? Non… Je parie que c’est encore un couillon de copiste qui a laissé circuler une version antérieure du script !

Maintenant, je me retrouve avec une procession de scénaristes à qui on n’a jamais expliqué qu’il fallait tenir compte des coupures de pub toutes les 8 minutes aux États-Unis, pour construire un récit qui se tienne. Certes, ce grec, Platon, il a bien essayé le dialogue, il a compris le principe de la série en 24h, mais son Phédon manque d’action ! Que voulez-vous faire d’un personnage qui reste assis sur son lit en philosophant sur l’immortalité de l’âme, tandis qu’on lui apporte la ciguë ?

…

Bon, c’est bien beau de râler, mais j’ai du travail. Mon épisode vespéral m’attend !

Faïences d’Izmir, à Ayasofya, Istanbul.

A la demande de Tippie, voilà le fond d’écran que j’utilise en ce moment. Il s’agit d’une photo que j’ai prise à Sainte-Sophie fin avril, lors d’une trop courte visite d’Istanbul.
Je ne pousse donc pas le vice jusqu’à avoir continuellement sous les yeux les portraits de mes auteurs favoris, encore moins de ceux que j’étudie (il y aurait de quoi faire des cauchemars) ! En revanche, mon fond d’écran change au gré de l’humeur ou de la tocade du moment : cavales, chanteurs rock (les Dandy Warhols ont longtemps tenu le haut du pavé sous toutes les coutures), dessins (surtout ceux des autres), vieilles pierres grecques…

Envie de rien… Ou plutôt si : envie de rester vautrée sur un canapé devant la télé, envie d’un livre sous la couette, envie de voyager dans un pays chaud, envie de cheval en forêt, envie d’une odeur de paille, envie d’une soirée vins et fromages entre amis, envie de rock sous la pluie, envie de chien dans un étang, envie de pastel sous les ongles…

Mais pas de cette attente, angoisse du résultat, bachottage sans conviction, oraux sans voix, ordre et désordre dans les Élégies de Properce, fac vide…

Au marché d’Alexandroupolis (Thrace), fin avril…

Et tout juste descendu de mon chevalet…

Vous le croirez ou non, à l’origine, c’était une vue de Londres… Mais l’essentiel dans l’abstrait, m’a dit ma prof, c’est de trouver une harmonie des formes et des couleurs. Je ne sais si c’est réellement harmonieux, en revanche, mon état d’esprit actuel y ressemble un peu : chaotique…

Certains auteurs, comme certaines couleurs, se mélangent mal, dans la longue histoire de la littérature : Marot, Rousseau et Tacite, par exemple…